Equipe BENVENISTE

Les myosites sont des maladies auto-immunes qui affectent les muscles et sont souvent associées à des atteintes extra-musculaires (par exemple, la peau, les articulations ou les poumons). Les myosites constituent donc un groupe de maladies qui n’affectent que les muscles ou qui sont des maladies systémiques. Ces affections peuvent être spontanées ou déclenchées par le cancer et/ou les traitements (par exemple, les médicaments hypocholestérolémiants ou les immunothérapies anticancéreuses). Il s’agit de maladies graves qui peuvent entraîner un handicap, voire mettre en jeu le pronostic vital. Le traitement associe généralement des corticostéroïdes et des immunosuppresseurs, mais sans approches ciblées et sans tenir compte des spécificités des sous-groupes de myosites.

Notre objectif est d’améliorer la prise en charge diagnostique et thérapeutique des myosites.

Notre approche est translationnelle : du laboratoire au patient et du patient au laboratoire.

Notre équipe est composée de médecins/chercheurs experts en myosite, d’ingénieurs de recherche, de biostaticiens, de doctorants et de post-doctorants.

Nous avons créé une biobanque contenant des échantillons biologiques de plus de 1 500 patients atteints de myosite, ainsi que des données médicales associées. Dans notre laboratoire, nous disposons d’un environnement de recherche exceptionnel axé sur les maladies musculaires et auto-immunes, permettant l’analyse d’échantillons et l’expérimentation in vitro, notamment à l’aide de modèles de culture de cellules musculaires, pour atteindre nos objectifs.

Nos recherches s’articulent autour de trois axes principaux :

(i) définir des groupes de patients homogènes, (ii) analyser les mécanismes physiopathologiques au niveau des tissus, et (iii) développer des outils diagnostiques et thérapeutiques innovants.

1- Cadre nosologique : Identifier ses adversaires

Comme préalable à tout travail de recherche, il est nécessaire de définir des groupes de patients homogènes avec des mécanismes pathologiques communs.

Au cours des 10 dernières années, nous avons été à l’avant-garde de la révision des critères diagnostiques internationaux des principaux sous-groupes de myosites (dermatomyosite, myopathie nécrosante à médiation immunitaire et syndrome des anti-synthétases). Nous avons démontré, avec d’autres, le rôle crucial des anticorps spécifiques de la myosite pour diagnostiquer et classer les patients atteints de myosite dans des groupes homogènes et nous avons organisé une conférence de consensus sur les méthodes de détection des auto-anticorps spécifiques de la myosite (ENMC 2021 criteria). Nous avons également contribué à l’atelier affinant les critères de diagnostic de la myosite à corps inclus (ENMC 2023 criteria).

Nous avons également été les premiers à décrire un nouveau sous-groupe de myosites induites par les inhibiteurs du point de contrôle immunitaire (ICI), dont l’utilisation représente une avancée majeure dans le traitement du cancer. Nous avons rapporté la plus grande série de myosites induites par les ICI, démontrant que la maladie diffère de la myosite spontanée en termes de phénotype et de taux de mortalité élevé.  En effet, ces dernières années, une nouvelle forme de myosite est apparue, combinant des manifestations musculaires et cardiaques sévères. Naturellement, notre équipe s’est enrichie d’un cardiologue de renommée mondiale (Pr Salem) spécialiste de la toxicité cardiaque des médicaments anticancéreux et des myocardites induites par l’immunothérapie anti-tumorale.

2- Clarifier le pathomécanisme : Identifier les faiblesses de l’adversaire

Nous avons contribué à démontrer le rôle pathogène des auto-anticorps dans les myosites, en particulier dans la forme la plus invalidante, la myopathie nécrosante à médiation immunitaire. Nous avons également été pionniers dans la démonstration du rôle pathogène de l’interféron de type I dans la dermatomyosite.

Ces études nous ont amenés à analyser de près les caractéristiques de l’inflammation musculaire dans les tissus et, plus important encore, son effet sur les fibres musculaires.

Pour améliorer notre compréhension, nous avons dû développer et apprendre à utiliser des outils de séquençage de l’ARN au niveau d’un seul noyau ou d’une seule cellule, en utilisant des tissus digérés par voie enzymatique, mais aussi en préservant l’architecture des tissus (transcriptomique spatiale) afin d’analyser les interactions cellulaires. Ces nombreuses données moléculaires doivent être validées au niveau des protéines. C’est pourquoi nous avons mis en place des analyses d’imagerie multiplex utilisant la cytométrie de masse par imagerie (Hyperion®) ou menons des collaborations internationales pour des analyses de spectrométrie de masse.

Ces études nous ont permis de comprendre les mécanismes physiopathologiques de la myosite induite par l’immunothérapie, mettant en évidence le rôle important des cellules immunitaires résidentes dans le muscle.

Ces techniques nous ont également permis de démontrer l’importance des cellules résidentes non inflammatoires du tissu musculaire dans les mécanismes pathologiques et leur impact sur la régénération des cellules musculaires. Ces résultats nous amènent à analyser l’effet de l’inflammation sur le microenvironnement musculaire en testant des hypothèses à l’aide de modèles de culture 3D.

3- Développer une nouvelle stratégie thérapeutique : Vaincre son ennemi

Du laboratoire, nous retournons vers les patients pour leur proposer des solutions thérapeutiques.

Au cours des 10 dernières années, nos recherches ont débouché sur des essais cliniques contrôlés innovants (académiques ou industriels) pour chaque sous-groupe de myosites : myosites à inclusions, myopathies auto-immunes nécrosantes, syndrome des anti-synthétases, dermatomyosites. Par exemple, dans la dermatomyosite, des approches anti-interféron utilisant des inhibiteurs de JAK sont testées dans un essai contrôlé randomisé (PHRC 2018 ; PI Y. Allenbach).

Les études que nous avons menées ont également conduit à des développements à l’étranger, comme l’essai international de phase III testant la rapamycine dans la myosite à corps inclus (NCT04789070).

Parmi les dernières avancées sur lesquelles nous travaillons, nous proposons une thérapie innovante pour traiter les complications musculaires et cardiaques de l’immunothérapie, ainsi que des études en médecine régénérative par thérapie cellulaire pour la myosite à inclusions.

Nous avons récemment proposé de restaurer la force musculaire en utilisant la thérapie cellulaire avec la fraction vasculaire stromale (riche en cellules souches). Cet extrait cellulaire obtenu à partir du tissu adipeux peut se différencier en plusieurs lignées, dont le tissu musculaire. Nous avons obtenu une subvention (PHRC-N 2018 ; NCT05032131 PI O. Benveniste) pour mener un essai clinique de phase I afin de tester l’effet de l’injection à des patients atteints de myosite à bras d’inclusion non dominante de leurs cellules autologues de fraction vasculaire stromale obtenues à partir de tissu adipeux (après liposuccion).

Nous avons montré que l’Ig CTLA4 (Abatacept) peut aider les patients atteints de myosite et de myocardite sévères concomitantes (Salem 2023). Un essai thérapeutique est actuellement en cours (NCT05195645, PI JE Salem) pour tester l’Abatacept dans un ECR pour les patients atteints d’irAE sévère.