Equipe BENVENISTE

Myopathies inflammatoires & thérapies innovantes ciblées

Les myosites sont des maladies rares et ont été mal classées, ce qui explique pourquoi, jusqu’à présent, la majorité des essais comparatifs randomisés testant différents immunosuppresseurs n’ont pas atteint leur objectif principal. Ces essais mélangeaient des pathologies avec des mécanismes physiopathologiques mal caractérisés et testaient des traitements non ciblés. Notre objectif est d’améliorer le traitement des myosites en utilisant une approche translationnelle.

Pour atteindre cet objectif, notre stratégie, fondée sur notre banque de données cliniques et notre biobanque (1300 patients) consiste à (i) définir des groupes homogènes de patients pour (ii) identifier des biomarqueurs de pronostic et/ou d’activité de la maladie (iii) et à caractériser les pathomécanismes à l’aide de modèles in vivo et in vitro pour (iv) proposer de nouvelles stratégies thérapeutiques.

 1- Définition des groupes homogènes de patients : Anticorps spécifiques de la myosite : standardisation de la détection et caractérisation de la nouvelle entité la myosite sous inhibiteurs anti-checkpoint immunitaires.

Au cours des 5 dernières années, nous avons affiné la classification des myosites spontanées et nous avons démontré, avec d’autres, le rôle crucial des anticorps spécifiques aux myosites pour diagnostiquer et classer les patients atteints de myosite en groupes homogènes. Dans cette optique, nous avons affiné la définition des myopathies nécrosantes auto-immunes (critères ENMC 2017 Allenbach et al.) et des dermatomyosites (critères ENMC 2018, Benveniste et al.) lors d’un atelier international que nous avons organisé.

Nous visons maintenant à standardiser la détection des anticorps spécifiques de la myosite, car il existe des différences entre les kits de détection commerciaux disponibles dans le monde entier. Nous avons l’intention d’organiser un atelier international pour répondre à ce point en octobre 2020.

Au cours des dernières années, une nouvelle forme de myosite est apparue. L’inhibiteur anti-checkpoint immunitaire (ICI) est une avancée majeure dans le traitement du cancer. Les molécules de mort cellulaire programmée 1 (PD1) et l’antigène 4 des lymphocytes T cytotoxiques (CTLA-4) régulent l’activation des cellules T. Pour restaurer l’immunité anti-tumorale, des inhibiteurs spécifiques de ces voies ont été mis au point. Si les ICI améliorent considérablement le pronostic des patients avec cancer, ils les exposent fréquemment à des effets indésirables immunomédiés (irAE). En effet, l’inhibition des checkpoints des lymphocytes T peut également activer les lymphocytes T auto-immuns naturels. Nous avons rapporté la plus grande série de myosites induites par des ICI, ce qui nous a permis de démontrer que la maladie diffère des myosites spontanées en termes de phénotype et la présence d’un taux de mortalité élevé (Anquetil et al circulation 2018 et M Touat et al Neurology 2018).

Nous avons pour objectif de créer un registre national et européen pour cette affection afin de mieux caractériser la maladie : facteurs de risque et facteurs de pronostic en utilisant notre cohorte de myosites spontanées et les patients atteints de cancers comme témoins. Comme nous l’avons fait précédemment pour définir un groupe homogène de myosites spontanées (K. Mariampillay et al. JAMA Neurology 2018), nous utiliserons des analyses non supervisées (par analyse des correspondances multiples puis par analyse hiérarchique) pour déterminer, sans à priori, des groupes homogènes de patients. Ceci est crucial étant donnée l’augmentation considérable de la prescription d’ICI et de la fréquence des irAE. Les irAE deviennent un problème majeur en oncologie et de la myosite induite par l’ICI a maintenant une fréquence similaire à celle d’un sous-groupe de myosite spontanée.

2- Définir de nouveaux biomarqueurs de l’activité et du pronostic de la maladie : le taux d’interféron et la myostatine

Alors que la myosite à inclusions et les myopathies nécrosantes auto-immunes sont deux conditions restreintes aux muscles, la dermatomyosite et le syndrome anti-synthetase sont tous deux systémiques et donc difficiles à évaluer. Nous avons démontré, avec d’autres, que l’interféron de type I (IFN-I) joue un rôle clé dans la dermatomyosite, alors que pour le syndrome anti-synthetase, il reste moins établi. Par exemple, nous émettons l’hypothèse que les niveaux d’IFN (type I ou II) peuvent être un biomarqueur pour surveiller l’activité de la maladie. Sur la base de notre biobanque, nous avons testé les niveaux d’IFN à l’aide d’outils ultra-sensibles (SiMoA) ainsi que les signatures de gènes stimulant l’IFN (article soumis). Les myopathies nécrosantes à médiation immunitaire sont des affections graves avec une faible récupération de la force musculaire liée à d’importants dommages musculaires. Les lésions musculaires précoces sont difficiles à évaluer en tant que facteurs prédictifs de la récupération musculaire. Nous visons également à identifier de tels biomarqueurs et, dans un premier temps, nous testerons le taux de myostatine, car ce membre de la superfamille des transforming growth factor-beta est un régulateur négatif de la croissance et du développement des muscles squelettiques.

3- Explorer de nouveaux mécanismes physiopathologiques

3.1 Rôle pathogène des anticorps spécifiques des myosites. Nous avons précédemment montré que les anticorps spécifiques des myopathies nécrosantes auto-immunes in vitro étaient pathogènes alors que ces anticorps ciblent les épitopes ubiquitaires intracytoplasmiques. Grâce à la subvention ANR-JCJC CAMANAI, nous visons à (i) produire des anticorps monoclonaux humains spécifiques des myopathies nécrosantes auto-immunes, (ii) identifier les cellules T HLA-DR-11 spécifiques de l’épitope (collaboration avec le Pr Mallone Institut Cochin), (iii) établir un modèle murin de la maladie pour clarifier la physiopathologie. Nous prévoyons également de tester le rôle pathogène des anticorps spécifiques de la myosite sur des cultures de cellules musculaires 3D (collaboration avec le Dr P. Gilbert, Canada).

3.2 Rôle des fibres musculaires dans la myosite. La grande majorité des études sur la myosite ont porté sur les cellules immunitaires du tissu musculaire, tandis que l’effet de l’environnement inflammatoire sur les fibres musculaires reste mal étudié. Ceci est crucial pour la fonction musculaire, les dommages musculaires et la réparation du muscle. Pour aborder ces points, nous allons effectuer une analyse de cellules individuelles en recueillant des noyaux de fibres musculaires à partir de biopsies musculaires de patients atteints de myosite. Grâce à cet outil innovant, nous pourrons analyser et comparer le transcriptome des fibres musculaires par rapport aux cellules inflammatoires. Cette analyse sera également combinée avec la nouvelle technologie d’analyse transcriptomique spatiale. Cette analyse transcriptomique au niveau d’une seule cellule sera validée au niveau des protéines grâce à un autre outil innovant (Imaging Mass Cytometry – Hyperion®). Parallèlement, l’analyse protéique et l’analyse transcriptomique de cellules musculaires cultivées provenant de myosites seront analysées pour mesurer et analyser la voie impliquée dans la régénération musculaire.

3.3 Myosite induite par l’ICI. Dans cette nouvelle entité, nous avons pu caractériser les infiltrats inflammatoires au sein du tissu musculaire en montrant que les cellules T CD8+ étaient prédominantes alors que le pathomécanisme de la maladie reste à définir. En utilisant la technique mentionnée ci-dessus, l’analyse de cellules uniques, la transcriptomique spatiale et l’imagerie de la cytométrie de masse, nous atteindrons cet objectif.  Ce domaine est également totalement nouveau et, sur la base de notre expertise et de nos publications antérieures, nous souhaitons maintenir notre avance dans ce nouveau domaine.

4- Développer une nouvelle stratégie thérapeutique : 4 essais cliniques utilisant des traitements ciblés

4.1 Dermatomyosite : Essai clinique. Sur la base des résultats obtenus, qui montrent le rôle pathogène de l’IFN, nous avons récemment reçu des fonds pour réaliser un essai clinique randomisé multicentrique afin de tester un inhibiteur de JAK (bloquant la voie de l’IFN) dans la dermatomyosite (PHRC 2018 BIRD ; n=62 ; PI Y. Allenbach commence en septembre 2020). Cet ECR sera le premier à tester cette approche innovante chez l’adulte.

4.2 Myopathies nécrosantes autoimmunes : Essai clinique. Les résultats obtenus en collaboration avec O. Boyer (IRIB Rouen) ont montré le rôle crucial des auto-anticorps (anti-SRP et anti-HMGCR) et de la voie du complément dans la pathogenèse des myopathies nécrosantes à médiation immunitaire (IMNM). Ces résultats ont conduit au développement d’un essai clinique international multicentrique randomisé de phase II testant un inhalateur de complément (Zilucoplan) financé par Ra Pharma Company ®. Cet essai clinique randomisé sera le premier à tester cette approche innovante dans les IMNM.

4.3 Myosite à inclusions. Pour ce type rare de myosite, aucun traitement n’est actuellement recommandé, en particulier les immunosuppresseurs sont inefficaces. Des processus neurodégénératifs (déficience de la voie protéasomique/lysosome, accumulation de protéines amyloïdes) aggravent également cette myopathie (Benveniste O, ActaNeuropath, 2015). Nous avons mené une étude prospective sur 22 patients (ClinicalTrials.gov Identifier : NCT00898989) pour étudier leurs réponses immunitaires (Y Allenbach, PLoS One, 2014) en utilisant la cytométrie de flux classique et plus récemment nous avons affiné l’analyse en utilisant la cytométrie de masse (Dzangue et. Al 2019 Autom-immune review).  Sur la base des études précliniques que nous avons réalisées (Allenbach, Am J Pathol 2009 et N Prevel, PLoS One 2014), nous avons récemment effectué un essai clinique randomisé montrant que la rapamycine (contre placebo) (RAPAMI, NCT02481453, n=44) peut ralentir la progression de la maladie (article soumis). Comme il n’était pas possible d’améliorer la force musculaire dans cette condition sévère, nous avons récemment proposé de restaurer la force musculaire en utilisant la thérapie cellulaire avec la fraction vasculaire stromale (riche en cellules souches). Cet extrait cellulaire obtenu à partir du tissu adipeux peut se différencier en plusieurs lignées, dont le tissu musculaire. Nous avons obtenu une subvention (PHRC-N 2018 ; PI O. Benveniste) pour réaliser un essai clinique de phase I afin de tester l’effet de l’injection, chez les patients atteints de myosite non dominante du bras d’inclusion, de leurs cellules autologues de la fraction vasculaire stromale obtenues à partir de tissu adipeux (après une liposuccion). Les résultats seront la force du muscle de préhension et la masse musculaire évaluée par IRM quantitative. Cet essai débutera en 2020.

4.4  Myosites induites sous ICI : Nous avons montré (JE Salem NEJM 2019) que l’CTLA4-Ig (Abatacept) pouvait aider les patients gravement atteints de myosite et de myocardite concomitantes. Un essai thérapeutique porté par le PI JE Salem est en cours de campagne de financement pour tester l’Abatacept dans un ECR chez des patients présentant une irAE sévère.

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381 documents

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Assistance Publique Hôpitaux de Paris
Agence nationale de la recherche
RaPharma
The Myositis Association
Association VLM
http://www.snfmi.org/
CSL Behring
The Uehara Memorial Foundation
NeoVacs
Sanofi

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